NOTES
Pierron se prononce plus nettement sur cette tradition de l'apologétique chrétienne; il conclut ainsi sa présentation de Prométhée enchaîné: « On a beaucoup écrit et beaucoup déraisonné à propos de la prophétie de Prométhée sur la chute de Jupiter. Il est insensé de prendre Eschyle pour un des hérauts qui ont annoncé la venue du Messie. La prophétie prétendue n'était pas même une énigme pour les spectateurs athéniens. Tous savaient, en entendant Prométhée, à quoi faisaient allusion ses paroles. D'ailleurs le poëte lui-même donnait, dans le Prométhée délivré, une complète explication de ce qui n'est obscur que pour notre ignorance. Il n'avait fait rien que de fort simple: mettre en oeuvre une des mille traditions de la mythologie sur les amours de Jupiter. Il y avait longtemps, au siècle d'Eschyle, que les événements annoncés par Prométhée s'étaient accomplis; et Eschyle a prédit l'avenir, comme tous les poëtes depuis Homère, quand l'avenir était devenu le passé.» (ouvrage cité, p. 4)
Il n'empêche que le Prométhée enchaîné déroule un singulier procès fait par le héros bienfaiteur de l'humanité à Dieu, faux ou vrai, nommé Zeus ou Jupiter, et que la pièce retentit d'un bout à l'autre de l'annonce répétée de la fin de son règne.
La lecture du mythe de Prométhée et plus particulièrement de la tragédie d'Eschyle comme prophétique de la venue du Christ était dans l'air du temps, mais il n'est pas exclu que Hugo en ait été plus précisément informé par E. Quinet, auteur d'un Prométhée (Paris, 1838), malheureusement en vers, dont la préface explique longuement, Pères de l'Eglise à l'appui, cette anticipation prométhéenne du christianisme.